Le texte présent était la proposition rédigé par un groupe de membres à la plénière du CNE. Sans explication, le texte était écarté au détriment d’une option plus personnalisé présenté par les responsables du conseil.
A. Introduction
Le Conseil National pour Étrangers (« CNE »), réuni en plénière le 4 avril 2019, a discuté sa position face à son propre avenir. La situation démographique actuelle au Grand-Duché du Luxembourg, tout comme sa croissance, à la fois économique et « populationnelle », sont uniques en Europe (à l’exception des micro-états) et exigent une approche conséquente. Cette approche fait face à des défis majeurs dans une perspective d’intégration d’une partie de plus en plus significative de la population résidente étrangère et d’un nombre croissant de frontaliers, et ceci sur n’importe quelle projection[1]. La solution de faciliter l’accès à la nationalité luxembourgeoise ne viendrait résoudre que le déficit de représentativité politique des résidents étrangers pour le moment, vu que des problèmes réels de participation et d’intégration sociale se manifestent toujours. Ce sont ces étrangers du Luxembourg qu’il faut écouter pour mieux comprendre leurs difficultés et résoudre les problèmes y résultant.
B. Mission
Le CNE envisage d’être une voix entendue par l’Etat. Vu que la pratique législative au Luxembourg se fait par des lois et règlements grand-ducaux, la portée de cette voix se ferait idéalement par une intervention directe auprès de ses structures de gouvernance : la Chambre des Députés et le Gouvernement. Le CNE souhaite ainsi être capable de se prononcer à la fois sur les dossiers législatifs en cours à la Chambre des Députés (sous forme d’avis) et sur l’activité gouvernementale (sous forme de propositions), pour tous les sujets qu’il juge opportuns et concernant les étrangers au Luxembourg (ou bien à leurs familles). Le CNE ne souhaite pas que sa « tutelle » auprès d’un Ministère en particulier le bloque vis-à-vis de tout contact éventuel avec ou auprès de la Chambre des Députés, tel que le Conseil d’Etat l’avait souligné lors de la dernière présentation du projet de loi le concernant en 2008. En outre, un délai significatif devrait être inscrit et respecté via la législation ou tout règlement grand-ducal afin de permettre au CNE de rendre des avis circonstanciés dans un temps raisonnable, professionnel et digne de ce nom (2 mois idéalement).
Pour pouvoir mener sa mission à bon port, le CNE doit pouvoir consulter et se renseigner auprès des institutions publiques ou privées au Luxembourg, tels que par exemple les organisations actuellement désignées en son sein (Syvicol, syndicats, etc. mais aussi autres Chambres et Conseils professionnels). En conséquence d’une composition non-professionnelle, le CNE doit obligatoirement être doté des moyens structurels et financiers à la hauteur d’un groupe de citoyens qui représente plus que deux tiers de la population productrice de richesse[2].
Enfin, il apparaît au CNE que le rapport annuel sur l’intégration des étrangers au Luxembourg devrait se résumer à un rapport annuel sur ses propres activités, remis à son Ministère de tutelle et/ou à la Chambre à sa demande, ledit rapport annuel d’intégration devant plus faire l’objet d’une coordination ministérielle ad-hoc.
C. Légitimité
Si le CNE souhaite garder et renforcer sa position de défenseur et de porte-parole des enjeux des étrangers au Luxembourg, il faut accepter que cela ne puisse se faire que par une véritable légitimité. Cette légitimité s’acquiert par une liaison en continu avec son « public-cible ». Cette liaison pourrait se faire par une élection au suffrage universel des étrangers résidents au Luxembourg. Néanmoins, de cette approche, trois grands problèmes émergeraient, à savoir : la création d’une chambre de représentation parallèle pour les étrangers, incompatible en l’état avec la Constitution[3], la mise à l’écart de facto de toute forme d’organisations autonomes de la société civile, tels que les mouvement associatifs, réels portes-parole des enjeux des multiples communautés d’étrangers au Luxembourg et enfin l’effacement de la plus-value que pourrait représenter dans ce domaine le travail des Commissions Communales Consultatives d’Intégration (« CCCI »).
Pour pouvoir être doté d’une vraie légitimité, le CNE souhaiterait se faire élire par ces représentants du terrain des étrangers au Luxembourg : les mouvements associatifs liés à l’intégration et/ou la participation des étrangers ainsi que les CCCI, mais aussi d’autres groupes représentatifs des problématiques liés aux étrangers, résidents ou non, présents sur le territoire luxembourgeois et détenteurs (ou non) de plusieurs nationalités, quelles qu’elles soient.
D. Participation
Résultant du besoin d’une légitimité, un point-charnière est la définition de ceux qui doivent y participer. Le CNE pense que ses membres doivent tous être élus et ressortissants des grands groupes d’étrangers au Luxembourg, renforcés éventuellement par la prévision de contingents spécifiques : les citoyens de l’Union Européenne, les ressortissants des pays-tiers, les frontaliers, les réfugiés et les étrangers ayant acquis la nationalité luxembourgeoise (communément dénommés « binationaux »). Pour en tenir compte, via le rôle souhaité et primordial des CCCI dans le domaine de l’intégration, un contingent additionnel pour les membres de ces CCCI devrait être ainsi rajouté.
Malgré le fait qu’ils représentent moins de 20% des étrangers résidant au Luxembourg, le CNE juge que les ressortissants des pays-tiers font face à des difficultés accrues face aux citoyens de l’UE. A ceci, il faut rajouter la multiplicité culturelle de ce groupe. Pour cela, le CNE souhaiterait voir un nombre égal de membres élus pour ces deux contingents, auxquels il faut rajouter des membres suffisants pour que les autres contingents soient pluriels. Le CNE proposerait ainsi 10 membres pour chacun des deux premiers contingents (UE et pays-tiers) et 3 par autres groupes (frontaliers, réfugiés, binationaux et représentants des CCCI) ; pour les deux premiers contingents (représentants des pays de l’UE et des pays-tiers), le CNE veut voir se limiter la participation à un(e) élu(e) par nationalité et ainsi cesser une proportionnalité par quotas en quelque sorte, par nationalité.
La nature de la mission du CNE exige une capacité permanente d’intervention et de réaction face à un fonctionnement des institutions de l’Etat qui ne prenne pas congé. Pour faire face à cette situation, l’élection des membres du CNE ne devrait pas se faire dans son ensemble d’un coup mais de façon décalée. A l’instar d’organes constitués très connus comme le Sénat français ou le Sénat américain, le CNE propose que l’élection des membres issus des deux grands contingents se fasse par la moitié en deux mouvements distincts de sorte que les mandats se juxtaposent à la moitié.
E. Structure et statut
La nature non-professionnelle des membres du CNE, en cas de comparaison avec des organes ayant aussi pour mission de conseiller le fonctionnement de l’Etat et ses organes – comme le Conseil Économique et Social ou la Chambre de Salariés, par exemple – exige des dispositions particulières. Pour pouvoir être réactif à l’activité politique, le CNE doit être doté d’un service d’appui à temps plein. Ce service serait chargé entre autres de : veiller sur le dépôt de projets de loi à la Chambre de Députés, récolter des informations publiées par les différents organismes se prononçant sur les étrangers ou leur intégration, entamer des démarches permettant au CNE de se renseigner sur la réalité des étrangers au Luxembourg.
Le besoin d’avoir une capacité de fonctionner en continu et, parfois, dépendant de délais assez courts imposés par des saisines gouvernementales, impose, au-delà d’un cadre de personnel mis à disposition, l’existence de lieux mis à disposition du CNE. La capacité de travail et réaction du CNE ne peut pas dépendre du manque d’une structure d’appui conséquente.
Le CNE souhaite voir le Bureau institué comme son organe exécutif chargé de la conduite journalière de ses activités. La Plénière aura le droit de décision sur toutes les positions prises par le CNE. Néanmoins, pour une optimisation de son travail, le CNE peut se doter de groupes de travail éphémères, avec une durée limitée dans le temps à l’exécution de tâches spécifiques mandatées par la Plénière, notamment la rédaction d’avis et de propositions à soumettre par le CNE.
Le travail volontaire des membres du CNE doit se voir reconnu par la loi et ceci via la création éventuelle d’un statut de membre du CNE, le cas échéant avec une assimilation la plus proche et pragmatique possible de celui d’un élu local ; la détermination d’une valeur pour le jeton de présence pourrait également réfléchir l’importance du CNE, et ceci pour les réunions de Plénière, de Bureau et des groupes de travail chargés de la rédaction d’avis et propositions au Gouvernement.
F. Autonomie
Le CNE souhaite être autonome dans ses démarches, notamment en ce qui concerne le contact avec des organes d’état et publics, autres que le Ministère auquel il sera rattaché. Aussi le CNE souhaite avoir une capacité autonome de publicité de ses avis et propositions. Cette publication autonome sera faite dans des délais considérés comme raisonnables après leur émission afin de permettre aux destinataires de ses positions, une prise de connaissance de son contenu avant qu’ils ne deviennent publique.
Le CNE souhaite voir la gestion du personnel attaché à son fonctionnement, tout comme les lieux mis à disposition pour son travail, devrait faire l’objet d’une gestion directement associée à son propre Bureau.
G. Le cadre global
Le CNE souhaite que son existence puisse être établie par une loi dédiée exclusivement à cet effet. Ceci serait en ligne avec les énoncés publics de l’organe chargé de défendre la voix de ceux qui n’en ont pas.
Dans un cadre plus élargi, le CNE considère que s’impose une révision du cadre légal des CCCI, cadre légal qui puisse établir via une participation plus démocratique à cet organe local d’importance majeure, la mise en œuvre du vivre-ensemble envisagé au Luxembourg.
Pour terminer, le CNE souhaite que les besoins et difficultés spécifiques
des petites associations d’étrangers au Luxembourg soient pris en compte par
une nouvelle loi sur les associations sans but lucratif. Cette loi devrait
déterminer la création d’une plateforme centralisée de publicité d’appels à
projet(s) mise en avant par toutes les branches de l’administration publique.
[1] STATEC – Projections macroéconomiques et démographiques de long terme : 2017-2060
(https://statistiques.public.lu/catalogue-publications/bulletin-Statec/2017/PDF-Bulletin3-2017.pdf)
[2] Le portail officiel du Grand-Duché du Luxembourg
[3] « La Chambre des Députés représente le pays. » – article 50. de la Constitution du Grand-Duché du Luxembourg