Le 27 avril j’ai eu le plaisir d’être parmi les invités à la table ronde que PiiLux a organisé au sujet du projet de loi relative au « Vivre-ensemble interculturel ». La question de fond que les organisateurs ont choisi de poser à ce sujet était « Vers un nouveau modèle d’accueil et intégration au Luxembourg ? » J’ai eu l’honneur de partager la table, avec, par ordre alphabétique, Claire Geier, Corinne Cahen, et Maurice Bauer, sous la baguette de Paul Delaunois.
Dans un pays où la moitié de la population et trois quarts de la force de travail n’ont pas la nationalité luxembourgeoise, et donc, pas de droit de vote aux élections nationales, la question de la légitimité politique de ceux qui nous gouvernent est d’une très grande actualité. Pour vraiment comprendre l’ampleur de la question il faut dire que, si nous comptabilisons aussi ceux qui ont fait les démarches pour obtenir la nationalité luxembourgeoise, nous avons bien plus de 50% d’étrangers au Luxembourg. Or, ceci n’est pas nouveau ni une surprise. Surtout pas pour le gouvernement.
Avec une politique économique basée sur des taux de croissance économique qui requièrent davantage de postes de travail, il n’y a que deux solutions : une politique de natalité très efficace qui augmenterait énormément le taux de natalité, ou l’importation de cette main d’œuvre (de façon journalière, frontaliers, ou de façon plus permanente, résidents). D’ailleurs la fondation IDEA a ses fameux scénarios qui prévoient une population autour d’un million de personnes pour l’année 2050 – ce qui nous rend en retard pour l’approche de foncer sur la politique de natalité. Le Luxembourg continuera donc, aujourd’hui comme hier, de baser son modèle économique, et sociale, sur l’invitation d’étrangers au pays.
Pendant des années, plusieurs lois sur l’intégration (mot que, par commodité, j’utilise ici dans un sens plutôt de langage commun sans trop entrer dans le détail de son réel contenu sociologique) ont été approuvées et mises en place. Si nous avons jusqu’au moment assisté à des pas très précis, malgré timides, dans la direction d’inclure les étrangers et les associations où ceux-ci s’organisent de façon autonome, dans le débat politique (considérer ici politique traditionnelle, de pouvoir, et sociale) la proposition de loi que Madame Cahen a essayé de défendre prend par principe de base d’exclure complètement de tout débat politique les trois quarts des créateurs de la richesse du pays.
Madame Cahen affirme que les « citoyens engagés », des individus et pas leurs organisations, auront toujours leur place dans le débat, et que toutes les portes sont ouvertes à tous ceux qui veulent y participer. Néanmoins, une lecture du projet de loi permet facilement de voire que ces portes, ces deux portes, restent soumises aux volontés des partis politiques.
La première, par les futures commissions communales du vivre-ensemble, pour ceux qui ont eu assez de chance d’être sélectionnés par les mêmes partis politiques qui ne pensent aux étrangers que la veille des élections communales – et ceci dans les communes où une telle commission arrive à être créée, et tant pis pour ceux qui résident ailleurs. L’expérience des Comissions Consultatives Communales d’Intégration montre que ceci sera le cas dans moins d’un quart des communes. La deuxième, c’est la participation dans les séances d’information publique où les étrangers peuvent être informés du projet gouvernemental du plan national du vivre-ensemble et, le cas échéant, envoyer une lettre avec des suggestions aux mêmes politiciens locaux qui leur ont barré l’accès à la commission mentionnée ci-haut.
Sur les « associations des étrangers » ou « ouvrant en faveur des étrangers », comme le prévoit la loi sur l’intégration de 2008, aucun mot à dire. D’un côté la perspective luxembourgeoise soutenue par tout un appareil d’État, de l’autre l’étranger isolé qui ne lèvera plus la voix que grâce à la bienveillance de l’État. Finit la voix autonome des étrangers.
Une chose de plus ressort de ce débat, c’est que l’État ne prévoit pas d’agir, ou de faire semblant, comme nous avons vu, que sur les mécanismes d’exercice de pouvoir politique. Tous les autres mécanismes de participation, comme la représentation des parents d’élèves, sont à ignorer. Comme Madame Cahen l’a dit, et je paraphrase : il ne faut pas se faire des illusions, les étrangers ne s’intéressent à la politique que dans les quelques mois avant les communales – je risque de dire que ce qui se passe ici c’est ce que la psychologie a nommé le phénomène de projection.
À la fin du débat, au moment des questions-réponses avec le public, Victoria El Khoury, ancienne conseillère communale à Strassen, a soulevé la question de l’usage de langues au sein justement du conseil communal. Madame Cahen a déclaré ouvertement qu’elle favorisait l’usage du luxembourgeois dans les réunions de cet organe qui est depuis longtemps accessible à tous les étrangers résidant au Luxembourg. J’ai clairement posé la question : Madame la Ministre, vous me confirmez que, pour vous, les conseils communaux doivent se dérouler en langue luxembourgeoise ? La réponse fut positive. Avec une conclusion très clarifiante : il faut protéger les Luxembourgeois.
Je suis sûr que M. Kartheiser aurait beaucoup apprécié le postulat, s’il avait été présent.
La conclusion est très simple. La citoyenneté des étrangers se fera selon un plan désigné par les Luxembourgeois et exclusivement en langue luxembourgeoise. L’assimilation comme seul chemin pour la citoyenneté : renonce à ce que tu es pour devenir un de nous. Et rien d’autre, parce qu’il n’y a que les Luxembourgeois qui sont égaux devant la loi, selon la Constitution.